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Expérimentation du cannabis à visée thérapeutique

Expérimentation du cannabis à visée thérapeutique

 

Introduction

L’usage du cannabis thérapeutique est autorisé en France depuis le mois d’octobre 2020, à titre expérimental. Cette expérimentation est prolongée jusqu’en mars 2024 alors qu’elle était prévue pour une durée de deux ans initialement. En mars 2022, 1500 patients ont été enregistrés dans le cadre de cette expérimentation. Il est à noter que de nombreux pays européens ont autorisé le cannabis thérapeutique comme l’Allemagne, les Pays bas, la Norvège, le Portugal, le Luxembourg ou encore la Suisse.

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Cannabis thérapeutique : définition

Le cannabis médical qui entre dans cette expérimentation est une famille de médicaments composée de deux substances, le CBD (cannabidiol) et le THC (tétrahydrocannabidiol). Ce médicament est délivré pour certaines indications thérapeutiques comme les douleurs neuropathiques (traumatismes, chirurgie) réfractaires aux traitements habituels, certaines douleurs liées au cancer ou situations palliatives ou encore des pathologies du système nerveux central.

D’une façon plus générale, ce sont des traitements adjuvants destinés à améliorer la qualité de vie du patient. En effet, il a des vertus myorelaxantes, antalgiques et anxiolytiques.

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Prescription

La prescription actuelle est réservée à certains médecins qui exercent dans des structures sélectionnées dans le cadre de cette expérimentation. Plusieurs arrêtés[1] précisent les modalités de participation des médecins et des pharmaciens ainsi que les conditions de formation préalable. La forme médicamenteuse se fait en inhalant par vaporisation (fleurs séchées) ou sous forme orale comme de l’huile ou des comprimés.

La prescription doit être personnalisée et bien calibrée.

Certains effets secondaires peuvent apparaitre dans le cadre de ce traitement comme des crises d’angoisse, un état de somnolence ou encore des troubles cardiovasculaires. Des contre-indications sont précisées comme certains antécédents psychiatriques, de maladies cardiologiques ou hépatiques.

De plus, il faut préciser que le cannabis n’est pas un produit comme un autre. Sa prise peut altérer la vigilance et provoquer des trous de mémoire. Certaines études cliniques montrent que 20 à 30 % des patients cessent de prendre leur traitement suite à des effets indésirables. Il existe également un risque de dépendance avec un cannabis riche en THC.

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Expérimentation 

Une expérimentation[1] permet de tester la mise en place d’une nouvelle politique publique. Il y a trois conditions pour parler d’expérimentation. Il faut au préalable définir un objectif et une hypothèse, décider d’une temporalité (durée de l’expérimentation) et évaluer cette expérimentation dans la perspective d’une généralisation. Ce dispositif expérimental nécessite également la mise en place d’un comité scientifique. Dans le cas de cette expérimentation du cannabis thérapeutique, celui-ci est composé de professionnels de santé en pluridisciplinarité et de patients.

L’expérimentation compte inclure 3000 patients traités et suivis pendant au moins six mois. Ils souffrent de pathologies indiquées clairement dans la réglementation. Précisons qu’il s’agit de patients non soulagés par des traitements traditionnels y compris non médicamenteux. Le patient est orienté par son médecin traitant vers une structure habilitée comme un CHU ou un centre de soins palliatifs.

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Résultats et bilan

C’est Nicolas Authier, président du Comité Scientifique Spécialisé Temporaire (CSST) qui est chargé de l’évaluation du cannabis à visée thérapeutique. Il est médecin psychiatre et professeur de pharmacologie médicale à l’Université Clermont Auvergne.

L’Agence Nationale du médicament et des produits de santé, dans un compte-rendu[2] du Comité Scientifique Temporaire dans le cadre du « Suivi de l’expérimentation française de l’usage médical du cannabis », dresse un bilan et indique que, parmi les 2296 patients actuellement dans l’expérimentation, la répartition en fonction de l’indication est la
suivante :

- 833 patients pour douleurs neuropathiques réfractaires ;

- 226 patients pour une spasticité douloureuse dans la sclérose en plaques (SEP) ;

- 181 patients dans les épilepsies pharmacorésistantes ;

- 114 patients en situation palliative ;

- 111 patients en oncologie ;

- 61 patients sont inclus pour spasticité douloureuse dans les autres pathologies du SNC.

741 patients ont quitté l’expérimentation depuis son début, dont 237 pour effets indésirables/décès et 277 pour inefficacité du traitement.

Ce compte-rendu nous informe également sur le nombre de professionnels de santé qui ont été formés, soit 1654, dont 478 médecins de structures de référence, 392 pharmaciens de PUI, 643 pharmaciens d’officine, 70 référents et 135 médecins relais de ville.

Une analyse de l’évolution mensuelle depuis le début de l’expérimentation, du nombre de patients en cours de traitement, du nombre de patients ayant quitté l’expérimentation et du taux de patients sortis, montre que, depuis l’été 2022, le taux de sortis de stabilise autour de 32 % pour l’ensemble des indications, 31 % dans l’indication « douleurs neuropathiques », 24 % dans l’épilepsie, 38 % en oncologie, 56 % en soins palliatifs et 21 % en spasticité dans la Sclérose en plaques. Ce taux oscille entre 28 et 32 % dans la spasticité des autres pathologies du SNC.

 

Par ailleurs, les premiers constats semblent montrer que cette piste est intéressante car deux tiers des patients ont retrouvé une qualité de vie soit grâce à une douleur moins prégnante, une meilleure qualité de sommeil ou encore un appétit retrouvé. Les spécialistes précisent que ce traitement n’est pas la panacée et que certains patients présentent des effets secondaires.

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Conclusion

Le Ministre François Braun en octobre 2022 a souhaité poursuivre l’expérimentation pour que les données scientifiques soient davantage parlantes avec un nombre de patients plus important.

Si l’usage du cannabis thérapeutique doit entrer dans les soins habituels, il va probablement bousculer les règles actuelles. Et, en ce sens, il faudra prévoir un cadre législatif car il convient de définir si ce traitement est un médicament comme les autres ou s’il vient interroger la législation actuelle concernant les stupéfiants.

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Bibliographie

Décret n° 2023-202 du 25 mars 2023 relatif à la prolongation de l'expérimentation de l'usage médical du cannabis

Arrêté du 25 mars 2023 modifiant l'arrêté du 29 décembre 2020 fixant les modalités de participation des médecins et pharmaciens volontaires intervenant dans l'expérimentation

Arrêté du 25 mars 2023 modifiant l'arrêté du 29 octobre 2020 fixant les modalités et conditions techniques du registre national électronique relatif à l'expérimentation de l'usage médical du cannabis

Arrêté du 25 mars 2023 modifiant l'arrêté du 16 octobre 2020 fixant les spécifications des médicaments à base de cannabis utilisés pendant l'expérimentation

Décret n° 2020-1230 du 7 octobre 2020 relatif à l'expérimentation de l'usage médical du cannabis

Arrêté du 16 octobre 2020 fixant les spécifications des médicaments à base de cannabis utilisés pendant l'expérimentation

Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 : les mesures phares

 

[1] Cf.bibliographie

[2] ANSM 26/03/2021

[3] Compte-rendu ANSM du 15 décembre 2022 Bilan de l'expérimentation : Présentation du tableau de bord des indicateurs

 

Michèle Marchi

Cadre de santé

Secrétaire adjointe du GERACFAS

Membre de la société savante du GERACFAS

michele.marchi7@gmail.com

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